Héroïques - Chapitre 2 : Une question d'honneur


         Le goût de la terre et du sang, ce doux mélange envahissait les papilles d’Urkal. Une saveur qu’il n’avait plus goûté depuis quelques années maintenant, depuis qu’il était devenu chef Orc. Mais les choses sont sur le point de changer, son adversaire, Bâkem, un orc plus grand, plus lourd, plus gros, à la peau sombre et maniant un marteau de guerre titanesque était sur le point de lui infliger le coup de grâce devant son peuple et ses amis qui le soutenaient encore après cette défaite cuisante, hurlant à la mort pour qu’il se relève, implorant le ciel d’un miracle, mais c’était fini, il le savait.

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Ce matin-là Urkal avait décidé de rester plus longtemps dans son lit. Bien au chaud dans les peaux de bête et entouré de femelles orcs, il trouva tout à fait naturel la paresse qui l’envahissait chaque matinée depuis qu’il était devenu chef. Il pensait à son grand-père, redoutable et valeureux orc sans qui tout ce confort n’existerait peut-être pas. Puis lui vint à l’esprit ses responsabilités, le fait de diriger tout le peuple orc et de le représenter n’était pas une tâche aisée. Il fallait être fort et intelligent, se montrer digne de tous les clans qui se sont rassemblés sous la même bannière. C’est pour cela qu’il respectait son grand-père, pour l’union des clans orcs, personne que ce soit les hommes, les elfes, les diables et même les orcs eux-mêmes n’auraient cru ceci possible. Mais il l’avait fait. Et aujourd’hui comme tous les autres jours, il fallait se montrer digne héritier de ses ancêtres…

Grizter, la plus grande des cités orc se situait dans les contrées de l’Est d’Ultia, dernier rempart avant la chaîne de montagnes du Grizzly. Il s’agissait d’un petit village avant que tous les clans se rassemblent et se mettent d’accord pour installer leur capitale à cet endroit. L’organisation des bâtiments était anarchique, chaque clan avait apporté son propre style d’architecture rendant la ville plutôt colorée. Alors que certains vivaient dans des tentes en peau, d’autres habitaient dans des forts cernés de piques en bois (il était difficile de se débarrasser d’habitudes nées durant des périodes de guerres). Tout ce beau monde se rassemblait à la place centrale, là où s’effectuait les rituels et où les paysans et chasseurs des villages voisins, et même d’autres espèces, venaient vendre leur marchandise.

Le soleil brillait haut dans le ciel, la brise était douce, temps rare dans les montagnes. Urkal saluait tous les gens qu’il croisait, tous lui répondaient d’un sourire chaleureux ou d’une réponse amicale. La plupart des orcs étaient satisfaits de leur chef, qui tout en respectant les traditions et coutumes de son peuple avait établi une paix durable avec les hommes, ces derniers avaient même restitué certaines des terres qu’ils s’étaient appropriés lors d’anciennes guerres. Le peuple des orcs était en voie d’extinction il y a quelques années. Leur goût belliciste, leurs soucis de reproduction (plus de deux tiers des orcs sont de sexe masculin) et les guerres entre clans avaient failli mettre fin à toute une espèce. Garganof, le grand-père d’Urkal, ses prédécesseurs et Urkal lui-même avaient contribué à redonner sa puissance et son honneur à la race orc. Mais tous n’étaient pas satisfaits car certains clans refusèrent encore l’alliance. Urkal devait s’occuper d’un de ces groupes d’opposants qui venait d’arriver en ville un jour plus tôt.

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— On veut un combat ! Il est hors de question qu’un Carknack dirige la race la plus puissante d’Ultia ! Seul un Quo’rk devrait avoir ce privilège !

            La voix venait d’un orc à la peau d’obsidienne, que l’on appelait autrefois les Quo’rk, une race d’orc très agressive qui s’était majoritairement opposée à l’union menée par Garganof. Au fil des années, seul certains Quo’rk protestaient encore.

            Zamroul, un ami proche d’Urkal, son bras droit était en train de calmer le groupe de Quo’rk quand Urkal arriva enfin accompagné de quelques guerriers orcs.

— Carknack, Quo’rk… Que des noms qui sont maintenant devenus secondaires, nous sommes tous des orcs, nos guerres entre clans auraient pu éteindre notre espèce… Pourquoi vous vous obstinez à rester dans un passé qui a failli mener à notre perte ?

— Tu te trompes lourdement Urkal, reprend l’un d’eux, bien entendu que nous nous sommes rendu compte de la nécessité de l’unification des clans. Mais notre principal souci c’est TOI ! Un orc de la race la plus faible, qui n’a rien fait pour gagner son trône et qui bafoue nos traditions en sympathisant avec les humains. Tu ne mérites même pas d’être de notre espèce !

Suite à ces paroles, Zamroul l’envoya valser d’un coup de poing

— D’OÙ TE PERMETS-TU ?! cria-t-il furieusement.

Les guerriers orcs et les autres Quo’rk dégainèrent leurs armes au même moment.

— Il suffit ! reprit Urkal fermement. Je vois où vous voulez en venir… Si c’est ce que vous cherchez, je vais accepter le combat.

— Urkal ! Rien ne t’y oblige, cette règle a été supprimée, les clans ont voté à la majorité pour son abolition !

            Urkal regarda Zamroul durement, droit dans ses yeux.

        — Mon frère, en tant que chef je me dois de régler les soucis de mon peuple, si je venais à refuser le combat, je n’aurais plus aucune légitimité à vous diriger.

        L’orc qui venait de se faire frapper se releva en essuyant le sang qui émanait de sa blessure et reprit parole :

         — Tu affronteras Bâkem, notre chef et bientôt le vôtre, ce soir, au crépuscule dans la place de la ville prévue à cet effet.


          — J’y serais.

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Durant la journée, tous les habitants de Grizter parlaient de ce combat. Certains avaient des inquiétudes quant à son issue, d’autres organisaient des paris et enfin les amis proches d’Urkal tentaient de le convaincre d’annuler ce combat.

— Écoute moi bougre d’imbécile que tu es, Urk, c’est en m’écoutant que tu es arrivé à diriger ce peuple et à rester sur la bonne voie. Ce combat tu ne vas pas le faire, le ciel ne présage rien de bon pour toi !

— Oh que si je vais me battre ! C’est mon honneur et ma crédibilité aux yeux de mon peuple qui sont en jeu. Un orc ne recule jamais devant l’adversité !

Une scène classique pour les guerriers qui y assistaient dans la chambre du conseil de guerre, Urkal et Zamroul se disputant, encore et toujours. Tout le monde savait que derrière la sagesse de certaines décisions du chef, Zamroul y était pour quelque chose. Urkal était un orc massif, puissant, avec une tendance à foncer tête baissée et à peu réfléchir. Zamroul lui était beaucoup moins imposant, mais sa sagesse, son sang-froid et son sens de la stratégie (des attributs très rares chez les orcs, encore plus s’ils étaient tous réunis chez le même individu) le différenciait de son compère.

— Écoute Urk, reprit Zamroul, si tu venais à perdre…

— JE NE PERDRAIS PAS ! coupa Urkal en hurlant. Maintenant sortez tous d’ici ! J’ai besoin d’être seul avec mes pensées.

Les orcs présents sortirent sans contester. Urkal s’assit face au mur sur lequel était accroché la Hache du Vent. Une énorme hache de guerre que les chefs orcs du clan Carknack se passaient de génération en génération. Cette hache permettait d’utiliser la puissance des vents et de la foudre. Les orcs n’avaient pas grand-chose pour eux, mais cette hache valait plus que n’importe quel trésor pour un orc. Urkal ne l’avait encore jamais utilisée, en général, on ne l’utilisait que pour les grandes occasions, comme une bataille au sein d’une guerre par exemple…

La loi du combat, adoptée par la majorité des clans orcs était très simple puisqu’elle reposait sur la loi du plus fort : N’importe qui avait le droit de défier le chef dans un duel, le gagnant devenait le nouveau chef, le perdant mourrait. Très simple, efficace, personne n’avait rien à redire et si quelqu’un n’était pas content, il pouvait défier l’orc dominant pour tenter d’établir sa justice. Cette règle avait été supprimée lorsque l’on s’était rendu compte que certains clans étaient parfois dirigés par des orcs malfaisants ou des idiots incapables de faire autre chose que de taper ce qu’ils avaient devant eux.

L’heure avançait, Urkal avait repris ses doubles haches en mains, il était prêt.

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La cité orc s’était rassemblée au centre de la ville autour de la place principale prévue à cet effet. Une petite arène où poussait quelque végétation, signe du temps passé depuis sa dernière utilisation. Des orcs tapaient sur de grands tambours, l’arène était entourée de flambeaux, les enfants se glissaient entre les jambes des adultes pour assister au combat à la meilleure place possible. Au loin, entre les monts Croc de givre et Croc de mort on apercevait le soleil qui se couchait. La brise était douce et calme, un temps idéal pour faire la fête, un temps idéal pour un duel sanglant…

Urkal entrait dans l’arène, armé de ses deux haches, vêtu de la tenue traditionnelle des duels orcs, à savoir un pantalon cerné par une ceinture faite des plus belles peaux de bête de la région. Il portait également des gantelets en peau d’ours et en fer dont le nouvel emblème du peuple orc, une double hache entourée d’éclairs, était gravé dans le métal. Son torse nu divulguait des rayures propres aux Carknacks qui étaient normalement d’un vert plus clair que celui du reste de sa peau, mais qui avaient été repeintes en rouge pour l’occasion. Car qu’ils possédaient des rayures ou non, tous les orcs qui combattaient traditionnellement se faisaient des marques rouges sur l’ensemble de leur corps, telles des peintures de guerre.

En face arrivait un orc imposant, géant. La taille moyenne des orcs se situait autour des 1m90 – 2m, celui-ci devait facilement atteindre les 2m50. Sa peau était sombre et comme recouverte d’espèces d’écailles. Ses grandes dents, son énorme bide et ses petits yeux rouges laissait apercevoir en lui un véritable monstre. Mais le plus effrayant était l’arme qu’il portait avec ses deux mains : un marteau de guerre dont la masse devait être 3 à 5 fois plus lourde que son propriétaire. À bien y regarder, le marteau était suffisamment large pour frapper l’entièreté du torse d’Urkal. Mais ce dernier n’avait pas peur, il avait déjà affronté des bêtes plus grandes, plus féroces et plus imposantes que cet orc.

Zamroul arrivait pour présenter les deux guerriers.

— Ce soir, un grand combat va avoir lieu, notre chef Urkal aux deux haches affrontera Bâkem au marteau titanesque ! Le gagnant de ce duel sera celui qui dirigera le glorieux peuple orc. Pour obtenir la victoire vous devrez tuer ou faire admettre la défaite à votre adversaire !

À ces mots, un gong retentit et des cris d’enthousiasme s’élevaient dans le public présent en nombre autour de l’arène qui paraissait bien petite entourée par cette foule. Le combat commençait.

Urkal chargea sur son adversaire. Il savait que le point faible face à ce genre de colosse était la vitesse. Il se devait d’attaquer rapidement et efficacement, de l’affaiblir suffisamment avant de lui porter le coup fatal. La même technique qu’il employait face aux rhinos des montagnes, d’énormes bêtes à l’apparence invincibles sauf si l’on adoptait la bonne stratégie.

Il porta un coup au niveau de ses jambes avant de passer dans son dos. Il l’avait égratigné mais le grand Bâkem ne broncha pas. Plus ils sont grands… pensa Urkal en le frappant à nouveau de toutes ses forces à l’arrière de son genou droit. La blessure était plus profonde, Bâkem poussa un cri de douleur et posa son genou blessé au sol. Les spectateurs s’enthousiasmaient de plus belle et Urkal profita de l’instant de faiblesse de son adversaire pour frapper son autre jambe. Plus la chute est dure ! L’orc noir repose maintenant sur ses deux genoux, utilisant son marteau comme appui. L’objectif d’Urkal était de sectionner ses tendons, ainsi son adversaire ne se relèverait pas de sitôt. Il se retourna vers la foule en poussant un cri de victoire avant de diriger son regard vers son adversaire.

— C’est vraiment malheureux, un orc de ton gabarit aurait été un excellent soldat dans nos rangs, si tu abandonnes maintenant je pourrais t’offrir cette chance…

Mais Bâkem l’ignorait, pendant son discours il se concentrait et soudain ses muscles se tendirent, ses blessures se mirent à saigner abondement, le sang lui monta aux yeux, les veines sur l’ensemble de son corps ressortaient au point qu’elles tremblaient du au sang qui circulait à une vitesse folle dans ces dernières. Urkal eu un moment d’hésitation, surpris et muet face à ce qu’il voyait, son esprit n’avait qu’un mot en tête : Un… Un berserker ?!

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Urkal était un excellent guerrier, force, vitesse, endurance, il possédait toutes les qualités requises par les soldats orcs. Mais le fait d’avoir grandi dans une période de paix et qu’il n’eut jamais dépassé ses propres limites l’avaient empêché de maitriser le Berserk atteignable par les orcs les plus expérimentés au combat. Les berserkers pouvaient, en situation critique, augmenter leur circulation sanguine et solliciter la force maximale de leurs muscles. Leur corps créait une hormone spéciale qui leur permettait d’ignorer toute douleur et parfois même de braver la mort pendant un court instant. C’était une sorte d’état second mais qui était destructeur pour celui qui l’utilisait. Les berserkers avaient appris à maitriser cette force, au point de pouvoir l’utiliser quand ils le souhaitaient, mais elle restait tout de même dangereuse pour leur corps.

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Bâkem empoigna son marteau et frappa violemment le sol avec. La puissance du coup fit trembler le sol, au point de faire perdre l’équilibre aux orcs les plus proches de l’arène, Urkal n’était pas épargné et manqua de tomber. La seconde qu’il prit pour se rétablir de son déséquilibre fut fatale, Bâkem chargeait sur lui, prêt à frapper, tel un bœuf inarrêtable. Il était trop tard pour tenter d’esquiver le coup, Urkal ne pouvait qu’encaisser, alors il contracta ses muscles de toutes ses forces et eu un mouvement de recul. Il reçut le coup sur son abdomen. Il sentait ses os se briser sous le coup puissant porté par le marteau qui prenait toute la largeur de son ventre. Son corps fut éjecté dans la foule qui entourait l’arène, s’écrasant avec fracas et blessant plusieurs des spectateurs. Les orcs s’écartèrent du corps meurtri, horrifiés. Urkal par sa faible respiration montrait encore des signes de vie et de conscience, mais l’ampleur du coup le paralysait au sol. Il entendait les bruits de pas lourds de son adversaire qui se rapprochait pour terminer son travail…


Urkal fermait doucement les yeux, sachant que la mort venait pour lui, punition inévitable pour sa faiblesse. Bâkem fit tomber son marteau, mais à la grande surprise de l’assemblée, il ne s’en servit pas pour écraser la tête d’Urkal, non, il le posa juste à côté. Il empoigna Urkal par sa queue de cheval, soulevant le reste de son corps blessé avec. Urkal ouvrit les yeux et toussa en crachant du sang. Bâkem le regardait en souriant. Les autres orcs détournaient le regard, ne voulant voir quelle mort atroce il allait réserver à leur ancien chef. Alors Bâkem prit la parole d’une voix grave et sombre.

— Un faible comme toi mérite un châtiment digne de sa faiblesse…

Les citoyens pleuraient, les guerriers étaient pris d’une rage folle, Zamroul était prêt à agir pour sauver son meilleur ami, quitte à bafouiller les traditions.

— Pour toi Urkal, ce sera l’EXIL !

Les pleurs s’arrêtaient, les guerriers lâchèrent leurs armes, même les autres orcs Quo’rk restaient ébahis. La sentence de l’exil était le pire déshonneur qui pouvait être fait à un orc, aucun orc ne voulait avoir à subir ceci. Tous préféraient la mort, guerriers, civils, femmes, enfants, vieillards, tout orc le savait, l’exil était comme être effacé de l’existence aux yeux de la race orc. On ne l’avait plus appliqué depuis plus de 50 ans. Urkal prit d’un élan de panique commença à s’agiter en entendant son châtiment.

— Non ! NON ! Je peux encore me battre, ce n’est pas terminé !

Mais Bâkem lui infligea un coup sur la tête qui le fit sombrer dans l’inconscience.

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Lorsque Urkal reprit connaissance, il était dans les montagnes. La nuit était tombée depuis plusieurs heures, Il pouvait voir la cité orc au loin. L’exil n’était donc pas un cauchemar. Il avait été soigné, ses armes ainsi qu’un sac de provisions et de vêtements se trouvaient à ses côtés. Il avait encore mal mais pouvait se relever et marcher. Dans ses affaires, il trouva un mot de Zamroul qu’il lu à la lueur de la lune.

Ton honneur peut être sauvé Urk, va retrouver le Vent des Montagnes, devient plus fort, entraine-toi, maitrise la magie de la foudre et revient prendre ta revanche. Ton peuple a besoin de toi.

- Zam

— Conneries. Marmonna Urkal avant de jeter le message.

Il rangea ses haches dans les boucles de sa ceinture, empoigna son baluchon, le fit passer par-dessus son épaule et se mit en route vers Croc de Mort, la plus grande montagne d’Ultia.

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